Montagnes arides, hélicoptère qui survole une zone d’opération, contacts radio entre soldats américains, hommes habillés en taliban. Tout laisse penser qu’on se trouve en zone de guerre, quelque part en Afghanistan, et que le sujet d’Essential Killing sera précisément cette guerre que les américains mènent en territoire étranger. Pourtant, dès les premières images, et même si le décor est planté, ce qui intéresse le film, c’est juste un homme. Un homme en fuite qui tue au lance-roquettes 3 soldats américains. Capturé, interrogé, torturé, il est déplacé par avion en pays inconnu. Lorsqu’un accident de voiture interrompt le convoi dans lequel il est transporté, il s’échappe et se retrouve perdu, en pleine neige. Traqué, privé de tous repères, il est réduit à un état de survie. Et c’est précisément sur cet état de survie que tient tout le film. Aucun temps mort, de l’action pure. A chaque fois qu’on le croit piégé, il s’échappe à nouveau. A chaque fois qu’on l’imagine mort, il ressurgit. Comme un vrai héros de film d’action. De lui, on ne saura rien de plus que ce qu’il fait pendant le temps du film. Quelques plans, placés en forme de flash entre deux scènes d’action, semblent nous emmener dans son passé, comme pour expliquer pourquoi et comment il s’est retrouvé là : une femme, un enfant, des prières, puis lui, couvert de sang. Mais, plus tard, certaines images qu’on croyait du passé se réalisent sous nos yeux. Une mise en scène qui nous rappelle que tout se passe au présent de la survie. L'homme pris dans sa condition essentielle. Essential living, donc. Et peu importe l'issue. Ah oui, j’oubliais de vous dire. Le personnage principal ne prononce pas un seul mot. C’est sans doute ce qui vaut au film d’être catalogué dans une catégorie programmée pour faire peu d’entrées en salle : "film d’auteur radical". En regardant ce film, la seule chose à laquelle j’ai pensé, c’est que c’est un grand film d’action. Et que s’il avait été produit et distribué comme un blockbuster, tout le monde n’y verrait que du feu. Mais sans doute qu’aujourd’hui, croire en la seule force du cinéma pour regarder l'opacité du monde (filmer des corps en mouvement, s’en tenir à la matérialité des faits), sans passer par les éternelles explications psychologiques sur chaque personnage (son enfance, son rapport à sa mère, que sais-je ?) ou des prouesses scénaristiques (mais oui, l'homme était un agent double au service d'une mafia internationale!) relève du défi. Je n’ai vu aucun autre film du réalisateur polonais d’Essential Killing, Jerzy Skolimowski. Mais, coup de bol, le festival Paris Cinéma annonce une rétrospective intégrale de ses films au Nouveau Latina, début juillet à Paris!
Feriel Benzouaoui
Essential Killing, de Jerzy Skolimowski, Avec Vincent Gallo, Emmanuelle Seigner - Sortie le 6 avril 2011
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