Petit passage éclair samedi 19 février par le vernissage de "CARAPACE" exposition personnelle de slimèn El Kamel. à la galerie ARTYSHOW -la marsa.
Des œuvres toutes en transparence avec plusieurs niveaux. Des superpositions de matières et de couleurs.
Le blanc domine. On s'approche du tableau et on y découvre un enchevêtrement de matières, fils de laine, coupures dactylographiées, empreintes d'habits.
Ci dessus, le texte écrit par l'artiste peintre Hédi Khelil, une bonne analyse de l'oeuvre de slimène El Kamel..
Deux trous noirs et un mur blanc…[1]
Deux trous noirs et un mur blanc forment un visage, « large visage aux joues blanches, avec le trou noir des yeux »[2]. Si, à en croire une vieille leçon platonicienne, l’âme est prisonnière du corps, ce n’est seulement qu’à travers ces « deux trous » qu’elle se montrerait pour voir le monde. En quelque sorte, on peut dire que tout regard curieux porte en lui toute cette discrétion, presque policière, celle de l’enfant silencieusement fléchi l’œil contre le trou de la serrure. Conduit par un corps, un visage et « deux trous », curieux, ainsi voit-on le monde : secrètement, toujours à « l’insu de.. ». C’est peut-être de cet œil que Slimane conçoit l’inévitable sentiment de « réserve », resté jusque-là pour lui, parti-prenante du processus créateur.Rappelons-le pour ne pas qu’il y ait de distraction là-dessus : un sein entièrement dégagé n’aurait aucunement le potentiel érotique d’un sein à moitié nu, si bien qu’un léger brume couvrant de passage le soleil « forme » la rondeur de son éclatement rayonnant…
Slimane : « je ne montre pas tout, je suggère… ». Faisant du couple « habiller /déshabiller » les deux béquilles de sa quête plastique, l’artiste aborde la toile en guise d’une « seconde peau »[3]. N’y voyons pas là une extrapolation de la pudeur, inhérente à tout syndrome d’expression de soi comme forme de « mise à nu » ?
L’activité créatrice, fondamentalement pudeur, selon Slimane, serait un exercice de logique mystique, éternel rapport mariant l’ « apparent » et le « caché ». Le globe oculaire, le trou de la serrure, l’œil, bref les cercles qui parcourent souterrainement les travaux de l’artiste en témoignent. Ceci dit, erreur est de croire que Slimane s’obstine à peindre le « caché » ; il y aurait là simplement un secret à partager avec le premier passant…Toute la charge érotique que véhicule la plasticité d’un tel travail se cristallise en une des notions-clé majeur des Arts Plastiques, jouissant ici de tout son mérite de fantaisie : la transparence. On est à peine contraint de voir le « fond » timidement occulté par le papier fin marouflé, et du coup, nous voilà « désirer voir ». Employée de la sorte, la transparence serait la condition de tout regard masqué, et peut-être serait-elle l’unique attribut sensible de la pudeur même.
Ainsi, évitant tout recours à un colorisme festif, l’œuvre de Slimane est substantielle au sens de la sobriété d’une chair. Sa dominante blanche simule ironiquement tout jargon du genre : « propreté », « mal rasé », « teinte artificielle », etc. Sauf que toutefois, quiconque pris dans la trame attractive d’un tel langage érotique ne pourrait résister à l’envie de fantasmer l’œuvre de Slimane libérée du fardeau de la toile, pour conquérir carrément l’objet, tout cru qu’il pourrait l’être. A ce moment là, la scission « cacher/montrer » aura constitué une prometteuse phase « préliminaire » de la recherche…
Mais n’allons quand-même pas restreindre l’œuvre de Slimane à la Trinité du désir selon certains, à savoir ; nudité, attirance et fantasme. C’est qu’il s’agirait là de toute une métaphore des Arts Plastiques. Incitant essentiellement à couvrir et à « dé-couvrir », l’aventure artistique menée, quoique déclarée publiquement parodie de la pudeur, demeure un voyage immobile au fin fond de l’ « immensité intime »[4] de la matière.Maintenant qu’on a « troué » les murs, et que les œuvres sont enfin accrochées, plein de « visages » surgissent ; ils nous regardent…Enfin, plus de blanc, les murs de la galerie respirent.Hedi KHELILLa Marsa, le 05/02/2011[1] Texte accompagnant l’exposition nommée « carapace » de Slimane El Kamel à la galerie « Artyschow » .[2] Deleuze, Gilles. Dialogues. Editions Flammarion, 1996, p 57.[3] Expression chère à Roland Barthes.[4] Expression chère à Gaston Bachelard.
Selimen EL Kamel face au penseur |
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