Willis from Tunis |
La réduction de 4,7% du budget du ministère de la Culture pour l’exercice 2013 n’a pas manqué de surprendre les observateurs, les avertis notamment, car totalement inappropriée, illogique même.
En effet, au moment même où l’on s’attendait à une augmentation du budget de ce département, on a eu droit à l’inverse. Or, cette augmentation aurait été tout à fait légitime, puisque cet organisme est l’un des rares ministères qui a réussi à absorber la totalité de son budget, au double niveau du fonctionnement et de l’investissement.
Cette réduction est d’autant plus préoccupante qu’elle s’est «crispée» sur un secteur d’une importance capitale, car incontournable pour la garantie de l’équilibre socioéconomique de toute nation, fondamental à la liberté et à la démocratie et, surtout, indispensable au développement durable des communautés.
Mais ce qui est encore plus grave, c’est que cette décision procède du principe du deux poids deux mesures. Elle aurait été certainement salutaire si elle s’est appliquée sur d’ autres ministères, celui de la Jeunesse et des Sports en premier lieu. Justement, ce ministère n’a dépensé au cours de l’année 2012, que 20% du budget d’investissement, ce qui suppose une réduction systématique de son budget au titre de 2013. Un simple complément aurait suffi. Mais, malheureusement, cela n’a pas été le cas!
Car, à la surprise générale, ce ministère a bénéficié de la totalité de son budget. Sans parler du ministère des Affaires étrangères qui a hérité d’une augmentation de 13%! Il s’agit là d’une incohérence incompréhensible de la part du gouvernement provisoire qui affirmait la veille du 24 octobre 2011 que la culture resterait un élément prioritaire dans sa politique de demain. Or, un an après, on a eu droit à une politique d’acharnement total contre la culture et ses acteurs...
Défiance et méfiance
Pour certains, cette question dénote clairement d'une défaillance flagrante au niveau des projections financières et d’une insuffisance inquiétante de rigueur budgétaire. Pour d’autres, le problème est beaucoup plus profond. Il atteste d’une prise de position totalement anticulturelle. Il traduit une volonté, plutôt manifeste, d’affaiblir davantage une activité, déjà en souffrance.
Abderrahmen S. homme de cinéma, note que «les premiers responsables du gouvernement provisoire, ou certains d’entre eux, ne veulent plus de la culture. Et à tous les niveaux». Cette dernière est perçue donc comme un élément secondaire. Pour lui, «cette décision traduit clairement un esprit de méfiance et surtout de défiance de toute dynamique culturelle post-révolutionnaire».
Kamel Chebbi, intellectuel, relève que «pour le gouvernement provisoire, la culture est un élément de nuisance, un facteur qui dérange».
D’ailleurs, soutient-il, l’affaire du palais d’El Abdellya , les événements de la salle CinémAfric’Art ou encore la projection du film Persepolis y sont certainement pour beaucoup. Notre interlocuteur va plus loin . Il estime que «cette décision de réduction du budget du ministère de la Culture est en quelque sorte une disposition de marginalisation. Elle reflète une volonté d’ “abrutir” la population. Car, la culture est et restera toujours un élément essentiel de veille intellectuelle ».
Un constat qu’il qualifie de désolant, car, «un pays qui se veut démocratique, doit absolument être fier de sa culture ». Ce n’est, malheureusement, pas le cas.
Conséquence : les objectifs et toutes les valeurs qui ont constitué les axes sacrés de la révolution tunisienne seraient difficiles à concrétiser en l’absence d’une réelle volonté de construire et de «bien construire» surtout.
Auteur : Anis SOUADI
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